Le temps où l’été glisse dans l’hiver (Mala 2)

Le temps où l’été glisse dans l’hiver. Avec un déhanchement, un chevauchement, un déchirement et un effondrement dont il semble qu’il faille que nous soyons sourds pour ne pas entendre le fracas. Ou dont précisément le silence serait le signe le plus terrible. Comme lorsque nous verrons, peut-être, la bombe.

C’est un rêve fait l’autre nuit: nous étions dans une pièce confortable, sombre, et dont les murs étaient couverts de livres. De toute sa largeur elle donnait par deux ou trois baies sur la ville et au-delà sur la mer; nous attendions de voir exploser la bombe, nous attendions debout au milieu de la pièce, peut-être un verre à la main, et face aux fenêtres, quoi faire d’autre ? comme on se préparerait à observer, muni d’une plaque de verre teinté, une éclipse de soleil; mais quoi faire d’autre ? La bombe n’a pas explosé sur la ville mais sur la mer; nous avons regardé la mer soulevée et l’épanouissement de la bombe jusqu’au ciel puis j’ai fermé les yeux à cause de la lueur et j’ai attendu l’anéantissement soudain. Il n’est pas venu, seulement la certitude d’une mort inéluctable et lente. L’autre nuit, l’automne. Et je me souviens de la suite, comment nous nous sommes promenés dans la ville, observant les progrès de la mort, les guettant en nous, avec un semblant d’insouciance muette.

Mais comme peut-être, non plus en rêve mais par la matière de nos yeux, nous verrons la bombe: en sachant que ce qui nous paraîtra lenteur sera là-bas la destruction la plus implacablement prompte et bientôt le vent le plus fort, c’est-à-dire le plus rapide. Et nous n’entendrons d’abord rien parce que l’image nous sera parvenue avant le son et c’est ce moment-là qui sera terrible puisqu’ensuite nous serons dépossédés. Le temps où l’été glisse dans l’hiver, métamorphose (on dirait plus justement, si le mot existait, morphomachie) occulte, symétrique des débâcles qui basculent dans la mer les montagnes de glace et qui effondrent en avalanches les versants des Alpes.

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